Feü-Faé |
Entre chien et loup
Des matières, des
lumières, des reflets. Le visage est bleu-gris, coulant, c’est la sculpture Ojos... La
matière du feu est restée. Ces allures de pureté et d'innocence des personnages
sont si touchantes, si présentes, dans Feü-Faé aux reflets or et opalescents ou
encore dans L’enfant-nuit d’un marbre noir profond.
Feü-Faé est ma préférée, toutes les œuvres présentées sont intéressantes mais celle-ci résonne particulièrement pour moi, elle est touchée par la grâce. Je pense à Camille Claudel. Est-ce que cela vient de son doux visage endormi qui rêve ? Est-ce sa couleur gris-bleu mais aussi cette teinte « algue » si mystérieuse ? Ou bien est-ce cette lumière qui vient de l'or émanant du petit animal en proue de la sculpture et qui se reflète dans le visage ?
Ces œuvres me touchent et
me transportent comme lors d'une précédente exposition que j'avais vue à
Roubaix à la galerie 'Le Fil rouge'. C’est la troisième fois que je viens
rencontrer les pièces de Bertrand Secret. Chaque fois c’est un enchantement
et un moment contemplatif intense. Un rendez-vous avec l’art sensible et
sincère. C’est donc un instant rare, hors du temps. Je savoure ; la vue et
tous les sens sont à la fête.
Cette fois-ci dans
l'exposition à la galerie 'Talents Opéra', la matière s'enrichit, je
discerne comme des collages et gravures dans la "chair" sur la surface
de certaines des sculptures. Il y a toujours ce mystère et ces murmures. On est
dans la forêt, l'humus est sous nos doigts, on entend les feuilles bruisser,
peut être un animal se cache- t-il derrière un arbre. Des rais de lumières
tombent sur les visages des personnages de rêve. Quel que soit l'écrin qui
abrite ces œuvres, chaque fois la magie semble opérer. Ici les murs violet
pourpre mettent bien en valeur les sculptures, ils font dialoguer les bleu-vert,
les gris-bleu entre chien et loup à la tombée de la nuit, c'est l'heure bleue, celle
des poètes.
Nous sommes en
présence d'un monde puissant, avec ses divinités, ses enfants sauvages, ses
rêves enfouis, ses langages oubliés, ses murmures et ses cris sourds. Le lien
avec la terre, cette "materia prima", y est pour beaucoup dans la
magie, certes mais c'est le travail de volume, de texture et de couleurs
effectué par l'artiste qui est époustouflant. On dirait qu'au primitif se
mêlent le sacré et l'or, les deux réunis dans une parfaite symbiose. Le mariage
des forces telluriques et cosmiques dont le sacrement fut des noces de feu.
L'artiste alchimiste a transformé la terre en or, la boue en monde somptueux,
le chaos en civilisation des enfants sauvages.
Animaux, humains et divinités se retrouvent
tous ensembles mêlés, formant la faune sensible d'une forêt imaginaire
délicate, profonde et infiniment belle car vivante.