vendredi 11 juillet 2014

Bertrand Secret


(english translation below)

Nous sommes des enfants, mais vieux d’un monde obscur qui nous imprègne. Sœur, frère, oiseau de proie, mousse et champignons. Quels prodiges de feuilles, d’écorces et de sombres lichens s’entassent par couche sur le corps vertébré ou végétal de nos êtres ? Nos masques vivants et nos pelisses rêches, mais vives tout autant, nos mains fines nos yeux sombres, nos mouvements furtifs et nos bruissements d’herbes incitent à la prudence. Nous guettons les traces visibles de corps qui ne se savent plus exister mais qui nous cherchent en esprit.

Ode au retour dans terre, épines et plumes, bulles et concrétions. Nous entendons le craquement des brindilles sous nos pas, et la terre humide et feuillue qui s’enfonce tendrement dans nos sabots — son odeur sous-boisée, puis la déroute de celui qui veut nous voir et qui échoue, car sa vision, trop directe et volontaire, crée de l’éloignement. Nous vivons à la périphérie de la vision ; souvent nous sommes confondus avec le bois, avec la terre elle-même. 

Nous mêmes vous voyons flous et de piètre consistance. Mis à part quelques uns, dont celui à qui nous livrons nos images. Notre image livrée à ses mains pénètre alors dans les yeux de ce monde qui nous inquiète. Nous sommes liés et librement ligotés de nuit, et nos mondes doivent encore une fois se mêler. Trop de raison est insensé, et vous jetez si loin de vous vos corps pour vêtir une parure de mots et d’illusions. Nous vous demandons de sentir, à nouveau, la terre vivante qui se multiplie si bien pour peu qu’on l’honore d’un regard entier. Tout pousse et jaillit en circuits de sang, de glaise et de forêts.

Nous ferons nids dans vos yeux. Des nids composites où les tiges s’allient aux veines et les doigts aux branchages les plus fins, où la mousse et les larmes attendrissent le sommeil, où des épines persistent pour vous tenir dans l’éveil du songe.

La nuit passe dans notre cœur en battements sourds, à fleur de corps, retentissante de murmures. Et lui, nous l’entendons qui nous chante et nous offre à la chaleur du feu. Ses mains, ses yeux vifs, s’appellent Bertrand Secret.




We are children, but we are old from an obscure world which soaks us. Sister, brother, bird of prey, moss and mushrooms. Which are the prodigies of leaves, of barks and dark lichens piling up layer after layer upon the vertebrate or vegetal body of our beings ? Our vivid masks and our coated rough furs, equally bright, our fine hands our dark eyes, our furtive movements and our sounds of rustling grass induce caution. We oversee the visible tracks of bodies ignoring their own existence but looking for us in their spirits.

Ode to the return in soil, thorns and feathers, bubbles and concretions. We hear the crackle of twigs beneath our feet, and the wet leafy earth which tenderly settles into our clogs - its undergrowthy scent, then the rout of who wants to see us and fails because his vision, too direct and determined, creates distance. We live at the border of vision ; we merge into the wood, into the earth itself.

Ourselves we see you blur and of poor consistency. Apart some of you, apart the one to who we give our images. Our image delivered to his hands then enters into the eyes of this world which makes us anxious. We are linked and loosely tied with night, and our worlds once again have to merge into one another. Too many reason is senseless, and you throw so far away your own bodies in order to wear an attire of  words and illusions. We ask you to feel, feel again, feel the living soil multiplying so finely as long as one honors it with a whole gaze. Everything grows and springs within circuits of blood, clay and forests.

We will make nests into your eyes. Intricate nests where stems marry veins and fingers marry thin branches, where moss and tears tenderize the sleeping, where thorns persist for you to keep being alert into dreams.

The night passes into our heart with deaden poundings, shivering just onto skin, shrilling with murmurs. And he, we hear him singing us and offering us to the warmth of fire. His hands, his bright eyes, they have name Bertrand Secret.



Bertrand Secret is a french artist. He works with enamel, inks, clay, paper, wood, feathers, gems, fire, ether, graceful hidden creatures, scents from dreams... Portfolio

Photographs by Nathalie Malric © - Text by Michaël Ludwig.